Saut périlleux (Pierre Aléchinski), 1992

L’éblouissement. Dans toute cette affluence actuelle de peinture, on se sent soudain, devant celle de Pierre ALÉCHINSKY,à l’heure juste. Les arbres foudroyés qu’il donne en ce moment à la galerie Lelong sont en exact équilibre entre la vie et la mort, entre la sécheresse de l’hiver définitif et la plus extrême générosité.

Le bonheur de voir est tel qu’on ne sait plus si ce sont bien des fruits, des taches de semence ou de la neige, si l’on tombe ou si la sève de la couleur imprègne en nous l’ultime corps d’une deuxième naissance.

Les enluminures de ce peintre souverain, aux coloris retenus ou voilés, redoublent de chaleur et de richesse dans ces vignettes qu’il dispose au pourtour de l’œuvre. On dirait un saut périlleux qui franchirait le temps tout entier.

Ces tableaux réunis ici de Pierre ALÉCHINSKY apprivoisent très bien l’impossible. Il arrive à briller sans être brillant. ll faut une vie de travail, on s’en doute en même temps qu’on l’oublie, pour aboutir à pareille simplicité.

Étranges à force d’être naturels, ils déclenchent une sorte de sécurité supérieure dans l’électrocution même de notre regard, comme si le même éclair de magnésium nous faisait saisir en un seul l’étendue de tous les paysages, et que notre passé grâce à lui se confondait avec l’avenir.

pour l’exposition Suite d’arbres de Pierre Aléchinsky, in l’Humanité du mardi 7 avril l992.

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